Groupe Marck : L’externalisation de la fonction habillement doit-elle être relancée ?

Un projet abandonné en 2013

Partant du constat que la fonction habillement était génératrice de surcoûts importants, il a été décidé en 2010, d'étudier son externalisation en confiant sa gestion au secteur privé qui aurait été chargé de réaliser, de stocker et de distribuer les effets militaires à partir d'un système informatique de gestion et de commande, et d'effectuer les services à la personne réalisés par les MO. La gestion des effets d'habillement ayant une « haute criticité opérationnelle » devait être assurée en régie compte tenu de la nécessaire réactivité du soutien des armées appelées à intervenir dans des délais très courts sur des théâtres d'opérations multiples. Ce projet devait permettre la suppression de 869 équivalents temps plein.

Le rapport du Sénat de 2013 indiquait que les gains attendus de l'externalisation de la fonction habillement (environ 350 millions d'euros), étaient estimés à 21% et de la ROO (régie rationalisée optimisée – RRO) à 13%.

Le projet d'externalisation qui permet d'organiser les fonctions en étant axé sur la maîtrise des coûts et à importer les meilleures pratiques professionnelles, a permis d'effectuer un important travail d'harmonisation des tenues entre armées tels que certains effets de tenue de sortie dans la mesure où cela ne remet pas en cause l'identité des armées, de service courant (blouson demi-saison, parka d'uniforme, chemises, chaussures), et de combat spécifiques lorsque les conditions d'emploi sont similaires (effets de combat et de vol, sous-vêtements « concept multicouches ») ; ainsi, sur la base de dotations type, a été réalisé un catalogue unique des effets d'habillement qui est le référentiel interarmées pour les travaux de leur programmation et de leur acquisition (sur la totalité des articles référencés, plus de 50% sont communs au moins à 2 armées). L'harmonisation peut également se traduire par l'emploi de variantes sur une même base de documents techniques qui amènent à satisfaire un besoin utilisateur par un produit approchant un article existant.

Après concertation avec les personnels de la Défense et les  syndicats le ministre de la Défense a décidé en 2013 de ne pas retenir l’externalisation, mais le projet de RRO piloté par le SCA qui visait à interarmiser les marchés (la planification 2012 pour l'approvisionnement des effets prévoyait la passation d'un total d'environ 67 marchés dont 46% interarmées et 54% spécifiques à une seule armée), à réduire le stock (évalué à environ 800 millions d'euros) et les sites de stockage, et à mettre en place un système d'information logistique de gestion performant.
 
Une externalisation dans le cadre de l’optimisation des moyens de soutien aux Armées

Le Ministère des Armées poursuit sa démarche de modernisation et de professionnalisation des armées et dans ce cadre se pose la question de l’adéquation du soutien aux enjeux de l’évolution des forces. En particulier, l’évolution  des effectifs du SCA à la baisse dans le cadre du recentrage des effectifs des Armées sur les opérations et les conclusions générales en faveur d’une externalisation doivent permettre de « remettre le métier sur l’ouvrage ». Ce sujet abandonné en 2013 pourrait faire l’objet d’une nouvelle étude au cours de la prochaine revue stratégique en vue de la loi de programmation militaire.

L’habillement  pourrait être un domaine privilégié qui autoriserait des transferts de charge en faveur du domaine opérationnel. En effet, l’externalisation pourrait fournir une offre de service global  afin de répondre aux attentes de chacun des acteurs que le SCA représente, à savoir l’Armée de Terre, l’Armée de l’Air, la Marine Nationale et les Services Communs. Les objectifs pourraient être les suivants :
·       Sécuriser les approvisionnements des armées françaises et préserver les expertises et les emplois en France.
·       Etre en capacité d’accompagner efficacement les Armées dans la gestion des évolutions des produits durant les années à venir.
·       Construire un tissu solide et durable d’expertises pour garantir la qualité des produits.
·       Analyser l’ensemble des données à disposition et réaliser des prévisions annuelles de flux de manière à dimensionner l’offre de service et son organisation.
·       Construire un partenariat fondé sur le professionnalisme, le respect et la confiance afin d’en garantir la durabilité et de permettre la mise en commun des expertises de chacun au service du projet.
 
L’externalisation devrait couvrir les domaines suivants :
‐       La production et l’approvisionnement des produits ;
‐       La logistique ;
‐       Le service de proximité ;
‐       Le développement de nouveaux produits ;
‐       Le recyclage.
 
Une externalisation permettant le développement de l’outil industriel français
 
La stratégie pour la sécurisation et la qualité des approvisionnements repose sur la création d’un groupement d’industriels français permettant de se développer grâce à:
·       La recherche de synergies par la création d’une structure commune, associant l’opérateur à ses partenaires industriels au sein d’un GIE (Groupement d’Intérêt Economique) mutualisant toutes les compétences « recherche innovation » et ressources techniques ;
·       La capacité, d’un bureau d’études de concevoir, développer et préparer l’industrialisation de tout type d’effets. Ce bureau d’études est doté de compétences et moyens de patronage-gradation-prototypage ainsi que de contrôle qualité ;
·       Une volumétrie significative auprès d’industriels français dans le cadre d’un partenariat.
·       Une volumétrie ouverte à d’autres fournisseurs (en particulier européen) présents sur le marché en privilégiant la qualité.
·       Des industriels reconnus qui agissent comme des partenaires en charge de la production et de la R&D. Ils ne sont pas considérés comme de simples fournisseurs ou sous-traitants exécutants.
·       Les modalités de contractualisation permettraient de rester compétitifs dans la durée du marché. Un pourcentage de chaque segment attribué aux partenaires est ouvert à la concurrence pour maintenir une pression économique et ne pas fermer le marché à de nouveaux entrants.
·       Le groupement devra créer un réseau d’agences de proximité pour assurer la délivrance des effets et les services adaptés à chacune des formations soutenues. La répartition géographique des agences devra être cohérente avec la cartographie des Bases de Défense. Ces agences sont conçues comme des guichets uniques de services à l’habillement, capables de réaliser l’ensemble des prestations (prises de mesure, délivrance, services à la personne, retour, alertes opérationnelles,..).
 
Conclusion
Au moment où les Armées françaises sont confrontées à nombreux challenges pour maintenir leur capacités opérationnelles tout en optimisant les coûts, l’externalisation de la fonction habillement des armées pourrait permettre une triple manœuvre profitable à l’ensemble de la communauté de Défense :
  • Recentrer les effectifs sur les fonctions opérationnelles,
  • Optimiser les coûts,
  • Maintenir et accompagner le développement de l’outil industriel français dans le domaine du textile.
 La question n’est pas de savoir si le système retenu en 2013 ne rend pas les services attendus. En effet, avec la RRO le CESCOF a considérablement amélioré la gestion de son domaine de compétence. La question est plus de savoir si une externalisation permettrait globalement au Ministère des Armées d’aller plus loin dans l’optimisation des moyens au service du soutien des forces et favoriserait le rapprochement d’industriels français et européens dans le cadre du projet européen.