MBDA : Quelles réponses au défi du déni d'accès ?

La question du déni d’accès représente une menace venant tout à la fois des acteurs non-étatiques et des acteurs étatiques. Elle se pose, de manière différente, selon les moyens mis en œuvre dans le milieu maritime ou aérien.

Ainsi, dans le milieu maritime, des acteurs non-étatiques présents au Yémen ou au Liban ont déjà endommagé des unités des Marines Saoudienne ou Israélienne en mettant en œuvre depuis la terre des missiles antinavires ou des embarcations de surface rapides sans pilote dotées de lourdes charges explosives et autoguidées jusqu’à l’impact sur le bateau attaqué. Ce constat implique donc pour la Marine Nationale de pouvoir protéger tous ses bâtiments afin de leur conserver la capacité de franchir les détroits stratégiques tels que ceux de Bab El Mandeb et d’Ormuz. Ses frégates sont protégées par des systèmes à base de missiles Aster et Mistral. Il faut donc également protéger par des missiles les pétroliers ravitailleurs et les Bâtiments de Projection et de Commandement (BPC). Notons l’intérêt pour ces unités du missile Mistral3, déjà en dotation dans la Marine Nationale, capable d’intercepter tant les menaces aériennes (missiles antinavires) que de surface (embarcations rapides autoguidées) et qui est facile à intégrer sur des navires ne disposant pas de systèmes de combat sophistiqués.

De son côté, dans le milieu aérien, l’Armée de l’Air doit faire face à une montée en puissance similaire des acteurs non-étatiques. La cause en est la dissémination des systèmes Sol-Air, depuis les missiles portables et de Très Courte Portée produits par de nombreux pays jusqu’aux missiles de moyenne portée capables d’intercepter des avions volant à Haute Altitude. Ces derniers sont moins répandus mais ils peuvent néanmoins se retrouver entre les mains de forces non contrôlées comme l’a démontrée la destruction du Boeing de la Malaysia Airlines alors qu’il croisait à une altitude d’environ 10.000 m au-dessus de l’Ukraine.

Pour la France, cela implique donc à l’occasion de chaque nouveau Standard du Rafale, d’améliorer de façon continue, les capacités du système d’autoprotection de l’avion et, en particulier, celles de son Détecteur de Missiles (DDM) qui alerte l’avion quand survient une menace missile.

De leur côté, les puissances continentales (Chine, Russie, Iran…) mettent en place des «bulle de déni d’accès» qui visent à contrôler des zones aériennes et maritimes stratégiques de superficies très importantes (au moins plusieurs centaines de milliers de km²). Pour le milieu aérien, ces bulles reposent sur des Défenses Sol-Air de type S-300 PMU2 ou S-400 dont les portées sur aéronef de grande taille peuvent atteindre 400 km. Pour le milieu maritime, elles font fréquemment appel à des missiles antinavires à propulsion par statoréacteur de type Onyx (exportés par la Russie sous le nom Yakhont) dont les portées sont homogènes avec la composante aérienne de la bulle et qui, volant à plus de 800 m/s, sont difficiles à intercepter par les Défenses des navires attaqués sauf à disposer de missiles anti-aérien de la classe Aster.

L’exemple emblématique de l’utilisation du déni d’accès en temps de crise est la mise en place par la Russie d’une bulle autour de Tartous en Syrie. La France, pour conserver sa capacité de projection de puissance et donc sa crédibilité comme partie prenante de la résolution des crises majeures affectant l’ordre international, ne peut accepter d’être soumise à ces tentatives de déni d’accès. Elle dispose de l’outil stratégique et militaire de prédilection dans ce type de situation, à savoir une capacité d’agir à distance (depuis l’extérieur de la bulle de déni d’accès) fondée sur des missiles de croisière qui peuvent être utilisées en pleine souveraineté par le pouvoir politique depuis la constitution des données d’objectifs jusqu’à l’impact du missile sur sa cible. Pour plus de souplesse opérationnelle, la France s’est dotée du missile aéroporté SCALP/EG qui est mis en œuvre depuis les avions Rafale basés à terre ou sur le Charles de Gaulle ainsi que du Missile de Croisière Naval (MdCN) qui l’est depuis les Sous-marins Nucléaires d’Attaque (SNA) Barracuda et les frégates FREMM. L’indispensable maintien à niveau de cette capacité fait l’objet du programme ‘Futur Missile Anti-Navire/Futur Missile de Croisière’ (FMAN/FMC) dont les études de concept ont été lancées mi-2017 en collaboration avec la Grande Bretagne dans le cadre du traité de Lancaster House.

Par ailleurs, dans le cadre d’un conflit de haute intensité, il est nécessaire de traiter de nombreuses cibles situées à l’intérieur de la «bulle de déni d’accès » adverse. Pour des raisons de coût, ceci ne peut être fait exclusivement avec des armes pouvant être tirées de l’extérieur de cette bulle qui doit donc être neutralisée par nos Forces. Cette capacité de neutralisation doit être détenue par la France pour conserver son rang de grande puissance. La France doit donc soutenir dans la durée sa capacité de destruction des Défenses Sol-Air de très longue portée aujourd’hui de type S-300 PMU2 ou S-400 au moyen de missiles de croisière (SCALP/EG  et MdCN puis FMAN/FMC et MdCN modernisé). Une fois ces défenses majeures détruites, nos avions peuvent mener  leurs missions de bombardement des cibles du champ de bataille (mobiles ou re-localisables aussi bien que fixes et durcies) au moyen d’armes Air-Sol d’emploi. Néanmoins toute défense Sol-Air n’est pas annihilée. Les cibles terrestres ennemies sont protégées par des Systèmes Sol-Air courte et moyenne portée déplaçables et capables de se démasquer au dernier moment sur alerte du réseau de senseurs de l’adversaire. Contre ces menaces, la meilleure protection est l’allonge entre le tireur et sa cible.

C’est la raison d’être de la nouvelle famille d’engins guidés SmartGlider, armements planants en coup complet équipés d’une voilure dépliable. Grâce à leur aérodynamique soignée et leur fonction de guidage et de navigation intégrée, ils atteignent une portée de plus de 100 km mettant le porteur hors d’atteinte des défenses Sol-Air déplaçables.  

Compact (2 mètres de long et 120 kg), le SmartGlider Light peut être emporté à raison de 12 à 18 exemplaires par un seul Rafale. Ainsi, une patrouille de 4 avions Rafale a la capacité de mettre en œuvre de l’ordre de cinquante de ces armements permettant de saturer et d’éliminer les défenses aériennes adverses et renforçant considérablement les capacités Air-Sol du Rafale en sus des armements en kit et des missiles de croisière.