Ariane Group : Les enjeux industriels liés à la modernisation du missile balistique M51 de la dissuasion nucléaire océanique

La filière des lanceurs a la particularité de devoir envisager simultanément la logique de souveraineté et la logique économique. La création d’ArianeGroup est l’exemple d’une démarche pragmatique où l’Etat et l’industrie ont mis en commun leurs forces pour répondre aux objectifs de la souveraineté nationale et d’autonomie de l’Europe en se dotant des moyens nécessaires pour répondre aux enjeux d’une concurrence internationale de plus en plus féroce.
Or, dans un contexte géostratégique marqué par la poursuite de la modernisation des arsenaux nucléaires, la multiplication et la montée en maturité des systèmes de défense anti-missiles balistiques et un fort investissement visant à augmenter les capacités d’actions dans le domaine spatial, le maintien de la crédibilité de notre force de dissuasion repose sur une filière réactive qui sait acquérir une vision réaliste des menaces, identifier et faire arriver à maturité les innovations technologiques, et garantir ainsi les performances du missile M51 face aux évolutions des défenses.

ArianeGroup est une entreprise fondamentalement duale, héritière de 50 années de développement continu des programmes du missile balistique de la force de dissuasion française et des programmes européens de lanceurs civils Ariane. Les principes de mise en œuvre, les technologies, les compétences et les outils de conception utilisés sont en très grande partie analogues pour un missile balistique et un lanceur spatial. Cette succession depuis les années 60 en quasi alternance des programmes militaires et civils a assuré le développement et le maintien d’une filière industrielle française de haut niveau technologique et à forte valeur ajoutée.
Autrement dit, la garantie d’un accès à l’espace fiable, indépendant et compétitif pour l’Europe représente donc un enjeu majeur pour l’autonomie stratégique de la France liée à la pérennité de la dissuasion océanique. Pour répondre aux défis immédiats de la contrainte budgétaire et de la concurrence commerciale, il est primordial de tenir les délais et de répondre aux besoins du marché international mettre sur le marché dès 2020 le nouveau lanceur européen Ariane 6 et de continuer de préparer l’avenir garder notre leadership.
Ce modèle industriel dual et cette alternance de cycles de développement permettent précisément de maintenir et de renforcer les compétences technologiques et industrielles qui assurent la crédibilité technique apportée au système d’arme de dissuasion M51. Celle-ci est le fruit de l’investissement de plus de 6 000 ingénieurs, techniciens et compagnons engagés dans ce projet complexe. ArianeGroup est un acteur clé d’une filière complète qui concerne pour les activités de la dissuasion plus de 900 industriels français, dont 140 fournisseurs directs et 40 maitres d’œuvre de sous-systèmes – plus de 40% sont des PME et environ 15% sont des entreprises de taille intermédiaire. Les activités liées au M51 se situent sur les sites protégés du groupe autour de Bordeaux en Aquitaine, des Mureaux en région parisienne et sur le site de la Marine Nationale de l’Ile Longue où ArianeGroup assure une présence continue pour l’intégration et la maintenance du missile et contribue ainsi au maintien de la permanence de la disponibilité du système d’arme.
Avec une durée de vie programmée bien supérieure à 30 ans, le système d’armes M51 répond aux  évolutions des besoins opérationnels par une démarche incrémentale qui a vu le jour au début des années 2000 et qui permet d’adapter continuellement le système d’arme M51 au contexte géopolitique du moment. La version M51.1 est en service depuis 2010 avec une charge militaire issue du système d’arme précédent M45. La version M51.2, opérationnelle depuis 2016, est capable avec l’emport de la nouvelle tête TNO (Tête Nucléaire Océanique) d’une plus longue portée. La Force Océanique Stratégique dispose donc aujourd’hui à bord de ses sous-marins des performances de ces deux versions.

Et nous préparons l’avenir :
Prévue autour de 2025, le M51.3 a pour objectif d’adapter les performances du missiles aux évolutions des besoins opérationnels par la refonte du troisième étage du missile qui prend en compte en particulier la capacité d’emport d’une nouvelle charge militaire et le traitement des obsolescences. La dynamique compétitive introduite avec le programme Ariane 6 et une utilisation optimisée des compétences duales, rendent possibles ces objectifs économiques et industriels ambitieux dans un flux budgétaire contraint.  
Pour autant, la maîtrise des technologies les plus avancées de l’ensemble de la propulsion aux équipements et aux matériaux doit s’entretenir pour continuer d’anticiper les menaces, de faire arriver à maturité les innovations technologiques – voire d’identifier les ruptures éventuelles – à ces échéances. Cela nécessite un investissement continu dans les « études amonts » pour apporter les éléments de choix et les solutions techniques afin d’être en mesure de lancer à temps le développement d’un programme – l’évolution M51.4 du système d’arme – et ainsi maintenir au-delà de l’horizon 2035 une dissuasion adaptée aux évolutions prévisibles des menaces.

Enfin, l’environnement spatial, dans un contexte géopolitique des plus instables, n’est plus figé et devient un facteur déterminant dans la stratégie des puissances qui, comme la France, maîtrisent les l’ensemble des compétences du domaine spatial. Les autres grandes nations spatiales (Etats-Unis, Russie puis Chine) ont fait le choix résolu de préparer de nouvelles capacités (lasers de puissances, intercepteurs exo-atmosphériques, etc) pouvant, un jour, leur donner les moyens d’exercer leur puissance dans l’espace. ArianeGroup en valorisant ses compétences spatiales est en capacité d’apporter son expertise et ses solutions technologiques pour accompagner la mise en place d’une doctrine nationale et européenne sur la sécurité dans l’espace.